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souvenirs de veillées rurales le millas

Josette Tatouat a consigné ces tranches de vie dans un cahier d’écolier et est heureuse d’apporter ce témoignage des plaisirs simples de la vie rurale d’autrefois.

 

 

Josette Tatouat raconte

 

SOIREES D’HIVER : souvenirs de veillées rurales , LE MILLAS

Il était coutume deux, trois ou quatre fois durant l’hiver de faire « du millas ». Le millas était une pâtisserie réalisée à base de farine de maïs, parfumée à la fleur d’oranger, à l’eau de vie, écorce de citron et laurier que l’on consomme chaud ou froid, grillé ou poché, avec ou sans sucre.

 L’après-midi, grande fébrilité : la farine de maïs fraîchement moulue était tamisée ; on préparait le grand chaudron de cuivre et une grande corbeille ovale en osier que l’on recouvrait d’un linge blanc.

Vers 7h, on « montait » (c’est l’expression) le chaudron, c’est-à-dire que l’on y mettait de l’eau aux ¾ et on le mettait à chauffer sur le trépied au feu de bois.

Pendant que l’on prenait le repas du soir, l’eau montait en ébullition et peu à peu, les voisins conviés arrivaient. A Rouzet, c’étaient les Bories de Grindes et Jean Gayraud, dit Jean de Jammet. Pendant qu’une partie de l’assistance jouait à la manille couinchée, l’autre partie s’affairait à la confection du millas.

Pour cela, on descendait le chaudron du feu, on agitait l’eau avec une palette en bois, créant une sorte de tourbillon et un aide faisait doucement couler la farine de maïs dans l’eau ; il fallait obtenir un mélange homogène et déjouer les grumeaux. Auparavant on avait mis dans l’eau bouillante quelques feuilles de laurier sauce, du zeste de citron, de la fleur d’oranger et une bonne grosse louche de graisse « fine » et du sel.

Lorsque l’amalgame liquide + farine était terminé (là aussi c’était un dosage à respecter mais d’instinct, car on ne pesait ni mesurait les ingrédients, cela faisait partie du patrimoine culturel transmis de génération en génération) l’on remettait le chaudron sur le feu. Il fallait remuer sans cesse la pâte avec la palette de bois, un feu soigneusement dosé, on se relayait donc auprès du chaudron pendant que bruyamment les parties de couinchées se déroulaient ponctuées de reproches et de tonitruante satisfaction.

La cuisson durait 1h30 à 2h, puis arrivait le moment où le «  Maître Millas », souvent ma grand-mère Augustine ou mon père, disait : « ça y est, c’est cuit » ; à cet instant les joueurs arrêtaient la partie.

On préparait une assiette calotte pour chacun pleine de millas fumant, le reste du chaudron était vidé sur le linge dans la « desquo » formant une couche de 15 cm d’épaisseur environ.

On s’installait à table, chacun devant son assiette que l’on sucrait assez copieusement, certains arrosaient le sucre d’eau-de-vie, puis allumait celle-ci qui, avec la chaleur du millas, brûlait bien et caramélisait un peu la couche sucrée et l’on dégustait gaiement, arrosant le tout de quelques coups de rouge maison ; la soirée se terminait vers minuit - une heure. On avait pris soin de préparer pour chaque famille amie un plat creux plein de bon millas à emporter ; ce dessert a la propriété en refroidissant de se rétracter un peu, à bien se séparer du récipient, et présente une surface brillante.

Le lendemain, on installait dans une chambre (non chauffée à l’époque) la table ronde recouverte d’une nappe, on y retournait la corbeille de millas ; on avait donc une belle grosse tranche d’environ 1m² de 12 à 15 cm d’épaisseur, d’où l’on taillait des tranches de 2 cm environ que nous mettions sur le grill avec une braise modérée.

On obtenait une pellicule dorée sur chaque face, on saupoudrait de sucre (ou non) et cela constituait le dessert. Compte tenu de l’absence de chauffage, on le conservait sans problème 15 jours.

 

                                                                       Josette Tatouat.