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Séparés par des virgules

Les Pigeonniers

Notre village recèle des trésors inconnus, dérobés à notre vue, un lavoir enfoui dans de hautes herbes mais aussi de nombreux pigeonniers.

 Ces témoins d'un autre temps recueillent la mémoire du quotidien de nos aïeux. Ils participent à leur dure vie de labeur et sont un complément alimentaire indispensable ainsi qu'un précieux engrais qui fume la terre de leurs potagers.

 Fiers, élégants, tours élevées vers le ciel, reconnaissables à leurs épis de faîtage, ces pigeons en terre cuite vernissée, frêles silhouettes qui reflètent la recherche d'une esthétique nouvelle.

 Leurs formes gracieuses parsèment nos campagnes. Carrés au toit à quatre pans ou à double étage, circulaires sur colonnes ou sur pilotis, ils traduisent l'imaginaire de leurs bâtisseurs.

 En petit appareillage de briques entrecoupées de galets alliant terre aux différentes cuissons, ils présentent une ceinture de plaques émaillées sur leur pourtour destinée à empêcher les prédateurs de toute sorte, rongeurs, oiseaux rapaces qui par les interstices gobent les œufs ou tuent les pigeonneaux. Ces plaques ont parfois disparu,victimes du manque d'entretien et de l'usure du temps.

 Sous l'ancien régime, les pigeonniers sous nos contrées ne sont pas privilèges de noblesse, d'ailleurs les tenures nobles exclues de l'impôt foncier, la Taille, représentent moins de cinq pour cent des terres et appartiennent plus volontiers à des bourgeois ou laboureurs enrichis.

 Nos pigeonniers subsistants sont du XIXe siècle, mais ils nous rappellent cette époque moderne, précédant la révolution où nos paysans, outre le porc et quelques volailles, voire produits du braconnage, se nourrissent essentiellement en viande de pigeons, la viande sur pied, ovins et bovins est dévolue à la vente, aux foires de la ville.

 Laisserons nous ruiner ce patrimoine qui égaye nos champs ou en ferons nous un but de randonnée tel un phare dans l'horizon de nos prés?

 Les générations à venir nous seront gré de cette continuité si nous-mêmes respectons notre mémoire.

 Robert Mosnier