Les Hussards Noirs de la République
Le 30 juin 2004 les jeux et les rires aigrelets des enfants se sont éteints dans la cour de l’école de notre village.
Les lois de Jules Ferry instituant l’école laïque, primaire et obligatoire (1881) ont amené dans nos campagnes où se perpétuaient les traditions orales une culture de l’écrit nécessaire à l’exode vers les villes et à cette nouvelle civilisation industrielle qui avait débuté sous le Second Empire. Si le XIX° siècle avait vu l’instauration des lycées (1802), la modernisation de l’université, le Premier Empire s’était peu intéressé aux écoles primaires ; il apparaissait souhaitable que chaque village puisse entretenir un instituteur mais sans apporter le financement nécessaire.
Sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) les lois Guizot mises en place par le ministre Villemain développaient l’enseignement primaire mais seules des écoles de garçons.
Sous le Second Empire un ministre remarquable, précurseur de Jules Ferry, Victor Duruy était à l’origine des écoles d’alphabétisation pour adultes car il fallait donner une seconde chance à la classe ouvrière et lui permettre ainsi une ascension sociale. Il créait par ailleurs le collège de filles où l’enseignement ne comportait non seulement les arts ménagers et les arts d’agrément (peinture, musique, tapisserie ) mais aussi les humanités (français, histoire, géographie, langues modernes).
Le but de la III République était de former des citoyens responsables, ouverts aux idées modernes, à la mécanisation de l’agriculture et détacher l’enseignement de l’église vécue comme réactionnaire et obscurantiste .
La République proclamée le 4 septembre 1870 n’allait être fondée que lors de l’amendement wallon (1875).
Nos villages à l’ombre de la mairie et non plus du clocher allaient voir éclore des bâtiments enfermant en classe unique l’école de garçons et celle de filles.
Les instituteurs , notable et souvent secrétaire de mairie, organisaient à la fois un enseignement pratique et théorique se promenant dans les champs et herborisant. Ils étaient des érudits et avec les connaissances de l’époque s’ingéniaient à étudier l’histoire de nos villages à partir des Archives municipales.
L’instituteur Sanseby, en quelques feuillets, raconte ce qu’est une bastide, rappelle l’origine gallo-romaine de notre village.
Ils entretenaient les enfants dans le culte de nos provinces perdues l’Alsace et la Lorraine à la suite de la guerre de 1870-1871. Leur patriotisme les a fait appeler « Les Hussards Noirs de la République » ; c’est eux qui ont maintenu et insufflé l’esprit de revanche qui animaient nos pères lors de la Grande Guerre. En 1918 l’Alsace et la Lorraine rentraient au bercail.
R.Mosnier